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Dictionnaire des curieux (1880) | |
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On connaît les principales aventures de M. de Crac. Voyageant dans le Nord de la Russie, il arrive un soir dans un désert inhabité. Harassé de fatigue, il attache son cheval à un tronc d'arbre, s'enveloppe dans son manteau, et s'endort. Le lendemain, à son réveil, il est tout étonné de se trouver au milieu du cimetière d'une petite ville. Ne voyant plus son cheval à côté de lui, il regarde en l'air et le voit suspendu par la bride à la flèche du clocher. Il y avait tant de neige la veille qu'il n'avait pu s'apercevoir qu'il campait sur une ville, et que ce qu'il avait pris pour un tronc d'arbre était la pointe du clocher. La neige avait fondu pendant la nuit, et tout s'expliquait. Que fait M. de Crac pour rentrer en possession de son cheval ? Il prend un de ses pistolets, et la halle, savamment dirigée, va couper la bride du cheval qui tombe aux pieds de son maître.
C'est durant ce voyage que M. de Crac traversa un pays où il faisait si froid que les sons qu'il voulait tirer de son cor de chasse gelèrent dans le tube de l'instrument. Quelque temps après, assis au coin du feu dans une auberge, il plaça son cor à côté de lui; tout-à-coup les personnes présentes tressaillirent d'effroi : c'était le cor, réchauffé par une douce chaleur, qui rendait bruyamment les accords gelés dans son tube.
Une autre fois, M. de Crac aperçoit, au pied d'un arbre, un renard dont la fourrure lui fait envie. Envoyer une balle à l'animal serait s'exposer à gâter la fourrure. L'adroit chasseur glisse un clou dans son fusil, vise, et le clou va s'enfoncer dans l'arbre, sans avoir oublié, au préalable, de traverser la queue du renard, qui se trouve ainsi dans l'impossibilité de fuir. M. de Crac s'approche alors et cravache si rudement la pauvre bête que, après des efforts désespérés, elle finit par sortir de sa peau et se sauve à toutes jambes, abandonnant sa fourrure à l'incomparable Nemrod.
Dans un voyage en Sicile, M. de Crac voulut visiter à fond l'Etna. Il descendit donc hardiment dans le cratère et arriva chez les Cyclopes. Un de ceux-ci, furieux de son audace, lui donna un tel coup de pied que l'infortuné voyageur roula pendant trois jours et finit par arriver aux antipodes : il fut recueilli par un navire européen au moment où, nouveau Triton, il émergeait des flots de la mer du Sud.
On le voit, M. de Crac était plus avancé que les voyageurs de nos jours auxquels il faut près de trois mois pour faire le tour du monde, par les voies les plus rapides.
On a prétendu que les expressions craque (mensonge, hâblerie), craqueur, dire des craques, devaient leur origine aux exploits de M. de Crac. A notre avis, c'est le contraire qui a eu lieu. Crac est un mot qui exprime, par onomatopée, le bruit qui résulte de la rupture ou du frottement d'un corps sec et dur. Ce mot a donné naissance au verbe craquer, et celui-ci a été adopté par la fauconnerie (on dit aussi craqueter) pour exprimer le bruit sec que fait la grue en ouvrant et en fermant son bec. Par comparaison, on a appliqué le verbe craquer aux personnes dont la bouche, comme le bec de la grue, ne s'ouvre et ne se ferme que pour produire des sons sans valeur. De là à créer craqueur, craque, M. de Craque et M. de Crac, Il n'y avait qu'un pas.
Colin d'Harleville a fait représenter, en 1791, une comédie intitulée M. de Crac dans son petit castel.
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