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Dictionnaire des curieux (1880) | |
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« Les Jacobins, mettant à profit ces fureurs, vraies ou simulées, de la Gironde, l'attiraient de plus en plus à eux avec l'intention bien arrêtée de se débarrasser d'elle ensuite, et Robespierre, tout eu s'alliant momentanément à Brissot et à Condorcet, ne diminuait en rien la haine qu'il leur avait vouée.
« Et néanmoins en ce moment même il se passa un fait qui montre quelle était l'excessive mobilité des esprits, et qui permet de croire que les Girondins et beaucoup d'autres membres de l'Assemblée, tout en favorisant le mouvement révolutionnaire, ne s'y abandonnaient néanmoins qu'avec une crainte secrète. Au milieu d'une discussion animée sur les dangers de la France, tout à coup un membre de l'Assemblée, Lamourette, évêque constitutionnel de Lyon, s'écrie : « Ce qui cause véritablement le danger de la patrie, législateurs ! c'est votre désunion. Oh ! celui qui réussirait à rétablir l'union et la concorde entre vous, celui-là serait le vainqueur de l'Autriche et de Goblentz. Que reprochent l'une à l'autre les deux parties de l'Assemblée? L'une, de vouloir établir, à l'aide de l'étranger, une constitution nouvelle avec deux chambres; l'autre, de vouloir renverser la royauté pour établir la République. Eh bien! foudroyez d'un même anathème la République et les deux chambres; jurons de n'avoir tous qu'un même sentiment. Que l'ennemi sache que ce que nous voulons, nous le voulons tous; et la patrie est sauvée.»
« L'effet de ces paroles fut magique. Tous s'écrient : « Point de République ! point de Chambres ! vive la Constitution ! » Ce n'est pas tout; on se précipite des bancs opposés au milieu de la salle pour s'embrasser les uns les autres et se jurer une fraternité inviolable. Condorcet se jette dans les bras de Pastoret, et ainsi des autres, puis on remonte sur les bancs, où l'on se place pêle-mêle; plus de droite, plus de gauche : tous les membres fraternisent. On décide que les départements vont être informés de cet heureux événement; on envoie au château une députation conduite par Lamourette; le roi, plein d'une joie qui devait durer bien peu, se rend au sein de l'Assemblée et la félicite. L'enthousiasme est à son comble; et à en croire les apparences, la patrie, le roi, la Constitution, tout est sauvé.
« Rien ne l'était cependant. Dès le lendemain, chaque député reprend sur les bancs son ancienne place : les inimitiés éclatent avec un redoublement de violence; le baiser Lamourette, loin d'anéantir les haines, n'avait fait que les envenimer. » (Barrau, Histoire de la Révolution).
Et voilà pourquoi on appelle baiser Lamourette une réconciliation qui, tout en paraissant sincère sur le moment, ne doit pas avoir de suites.
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