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Les mots qui restent (1901)
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INFAME
« Écrasez l'infâme ! »

Formule par laquelle Voltaire avait pris l'habitude de terminer ses lettres à ses plus intimes amis, notamment pendant les années 1762 et suivantes.

On a beaucoup discuté sur ce qu'il entendait désigner par l'infâme. Les extraits suivants de sa correspondance l'expliquent assez clairement.

Dès le 31 octobre 1740, il écrivait au président Hénault :

« Autant je déteste la basse et infâme superstition, qui déshonore tant d'États, autant j'adore la vertu véritable... »

Le 28 novembre 1762, à d'Alembert :

« La superstition est bien puissante vers le Danube. Vous me dites qu'elle perd son crédit vers la Seine, je le souhaite ; mais songez qu'il y a trois cent mille hommes engagés pour soutenir ce colosse affreux... Tout ce que peuvent faire les honnêtes gens, c'est de gémir entre eux quand cette infâme est persécutante, et de rire quand elle n'est qu'absurde...
» Vous pensez bien que je ne parle que de la superstition: car pour la religion chrétienne, je la respecte et l'aime comme vous...
» Quoi que vous fassiez, écrasez l'infâme, et aimez qui vous aime. »

Souvent Voltaire écrivait sa formule habituelle en abrégé. Sa lettre à Damilaville, du 26 juillet 1762, se termine ainsi:

« Frère Thieriot vous embrasse. Je finis toutes mes lettres par dire : Écr. l'inf..., comme Caton disait toujours : Tel est mon avis, et, qu'on ruine Carthage. »

Il en vint même à signer simplement Écrlinf (lettre à Damilaville du 27 janvier 1768). Une note de Beuchot nous apprend que les employés de la poste chargés de décacheter ses lettres crurent à l'existence d'un particulier nommé Écrlinf, habitant la Suisse, qui, disaient-ils, « n'écrit pas mal ».

S'il parait évident que Voltaire entendait par ce mot l'infâme, non pas la religion, mais la superstition ou le fanatisme, il' n'en était pas de même de d'Alembert, qui lui écrivait le 31 juillet 1762 :

«. Vous voudriez que nous fissions imprimer le Testament de Jean Meslier, et que nous en distribuassions quatre ou cinq mille exemplaires ; l'infâme, puisque infâme il y a, n'y perdrait rien ou peu de chose... Ce que vous savez doit être attaqué, comme Pierre Corneille, avec ménagement. »

Or, les mots « ce que vous savez » avaient été substitués, paraît-il, dans l'édition de Kehl, au mot « J.-C. », qui se trouve dans L'original.

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