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Les mots qui restent (1901) | |
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Sous l'ancienne monarchie française, les ordonnances, édits, lettres patentes, etc., se terminaient presque invariablement ainsi : « Et afin que ce soit chose ferme et estable à toujours, nous avons l'ait mettre nostre scel à ces dites présentes... »
Cette phrase était souvent précédée d'une autre, plus courte, indiquant que ces décisions émanaient de la volonté du souverain, et dont on peut citer plusieurs variantes.
Voici celles que nous avons notées en feuilletant la collection des Ordonnances des rois de France de la troisième race (21 vol. in-fol., 1723-1849), qui s'arrête au règno do Louis XII :
T. VI, p. 613 : « Car ainsi nous plaint-il entre fait. » (Charles VI, à Saint-Victor-lez-Paris, 10 août 1381.) Pendant longtemps, à partir de cette époque, cette formule est celle qui reparaît le plus souvent. Quelquefois elle est ainsi modifiée :
« Car ainsi le voulons et nous plaist estre fait. » (T. XV, p. 111. - Louis XI, septembre 1461.)
T. XVI, p. 286 : « Car tel est nostre vouloir et franche volonté. » (Louis XI, à Tours, décembre 1464.)
Formule qui semble en quelque sorte préparer la suivante :
T. XVII, p. 555 : « Car tel est nostre plaisir. » (Louis XI, à Amboise, 31 octobre 1472.)
C'est le plus ancien exemple de cette variante qui nous soit tombé sous les yeux.
M. Louis de Mas Latrie a publié une étude relative à cette formule dans le tome XLH de la Bibliothèque de l'École des Chartes (1881, p. 560 à 564). Il l'a trouvée souvent employée depuis le règne de Charles VIII jusqu'à celui de Louis XVI, mais nulle part, dans aucune pièce officielle, il n'a rencontré la variante si souvent citée : « Car tel est notre bon plaisir. » Ce n'est, selon lui, qu'après le rétablissement du régime monarchique, en 1804, que Napoléon l'adopta officiellement. Elle resta en usage sous la Restauration.
Nos recherches nous ont cependant fait découvrir, dès la fin du règne de Louis XVI, quelques rares exemples de la fameuse formule dans des pièces parfaitement authentique.
Ceux qui voudront en avoir la preuve n'ont qu'à se reporter aux minutes des lettres patente» ci-après désignées, conservées aux Archives nationales, dans le carton cote XIB 9082 :
1° Liasse de décembre 1787.
Lettres de subrogation de Mtre Langlois de Pomeure au lieu de Mtre de Chavanne... en faveur des créanciers de Vigny de Gravilles. — Donné à Versailles, le 3 novembre 1787. —Registrées en parlement le 31 décembre 1787.
2° Liasse de janvier 1788.
Lettres patentes confirmatives d'un traité fait entre le chapitre de St Thugal de Laval et M. le, duc de la Trémoille. — Versailles, juillet 1787. — Registrées le 11 janvier 1788.
3° Liasse de février 1788.
Privilège de quatre étaux à boucher en faveur du sieur Maindorge. — Versailles, 27 janvier 1788. — Registré le 26 février 1788.
Ces trois pièces portent en toutes lettres : « Car tel est notre bon plaisir », et il est fort probable qu'on en trouverait d'autres exemples.
Comme l'a très justement fait observer M. de Mas Latrie (p. 562), il ne faut jamais s'en rapporter au texte des pièces imprimées. On risquerait fort d'être induit en erreur par des ouvrages qui semblent présenter de sérieuses garanties d'exactitude. Nous citerons notamment l'Appendice que M. Chéruel a placé à la fin des Mémoires de Fléchier sur les Grands-Jours d'Auvergne (1665-1666) dans l'édition de 1856. Dans un extrait du Journal du greffier Dongois, on lit, à la page 334 : « Car tel est nostre bon plaisir. »
Or, la copie dont s'est servi M. Chéruel, cotée aux Archives U. 750, porte simplement au fol. 72, ligne 7 : « Car tel est nostre plaisir. »
Autre exemple, emprunté à une de nos plus importantes publications : la Revue des questions historiques. La livraison du 1er juillet 1882 contenait, reproduite d'après les registres du parlement, une lettre de Louis XIV en date du 11 avril 1655, portant la fameuse formule avec les mots « bon plaisir » (p. 611). Vérification faite, l'original, ou plutôt la copie transcrite dans le registre coté X IA 8390, aux Archives, ne contient que ces mots en abrégé : « Car tel est nostre plaisir. » (Conseil secret, fol. 88, v°.)
Un passage des Mémoires de Sully a pu faire croire que la formule de chancellerie contenant les mots « bon plaisir » était, au XVIe siècle, d'un usage courant. On y lit en effet :
« Il (François Ier) laissa en instruction et en pratique à ses successeurs, de ne requérir plus le consentement des peuples, pour obtenir des secours et des assistances d'eux, ains de les ordonner de pleine puissance et authorité royale, sans alleguer autre cause ny raison, que celles de tel est nostre bon plaisir. »
Un peu plus loin, il est question des « dominateurs » qui « croyent n'y avoir point d'autres loix ni d'autres reigles de droiet que leurs seules absoluës volontez,... et qui sont en possession de n'alleguer autres causes ny raisons de leurs commandemens, sinon celles de tel est leur bon plaisir ».
(Éd. in-fol. de 1664, t. II, p. 580 et 586.)
Dans un article de la Bibliothèque de l'École des Chartes (1893, t. LIV, p. 86), M. Louis Demante a signalé de nombreux documents, dont l'un remonte à 1326, où l'expression de « bon plaisir », indépendante de toute formule, est employée dans le sens de plaisir, volonté, et non dans celui de caprice, fantaisie, qu'on a voulu lui attribuer. Quelques-uns de ces exemples, où il s'agit du bon plaisir royal, font comprendre pourquoi le gouvernement monarchique a pu être appelé « régime du bon plaisir ».
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