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RENVERSER
Le monde renversé.

L'idée d'un « monde renversé », c'est-à-dire d'un lieu chimérique où tout se passe à l'envers de ce que l'on a coutume de voir, remonte à l'antiquité. On la rencontre déjà dans les œuvres d'Hérodote. Au livre V de son Histoire (§ XCII), le Corinthien Sosiclès harangue ainsi les Spartiates :

« Assurément le ciel va se placer sous la terre, et la terre s'élever au-dessus du ciel, les hommes habiteront au fond de la mer, et les poissons prendront la place des hommes, puisque bannissant toute justice, vous vous préparez à rétablir la tyrannie dans la cité. »

L'exemple suivant est emprunté à la première églogue de Virgile (v. 60-64) :

Ante leves ergo pascentur in æthere cervi,
Et freta destituent nudos in litore pisces ;
Ante, pererratis amborum finibus, exsul
Aut Ararim Parthus bibet, aut Germania Tigrim,
Quam nostro illius labatur pectore vultus.

(On verra les cerfs légers paître dans les airs ; les flots laisseront les poissons à sec sur les rives ; on verra, leurs frontières étant confondues, le Parthe exilé boire les eaux de l'Arar (la Saône), ou le Germain les eaux du Tigre (fleuve d'Asie), avant que son visage s'efface de mon cœur.)

Molière s'inspirait peut-être de ces deux passages, quand il faisait dire à l'insupportable bavard Métaphraste, dans le Dépit amoureux, à la fin du IIe acte (vers 765-775) :

Oh ! que les grands parleurs sont par moi détestés !
Mais quoi ? si les savants ne sont point écoutés,
Si l'on veut que toujours ils aient la bouche close,
Il faut donc renverser l'ordre de chaque chose :
Que les poules dans peu dévorent les renards,
Que les jeunes enfants remontrent aux vieillards,
Qu'à poursuivre les loups les agnelets s'ébattent.
Qu'un fou fasse les lois, que les femmes combattent,
Que par les criminels les juges soient jugés,
Et par les écoliers les maîtres fustigés,
Que le malade au sain présente le remède...

Et Boileau écrivait, dans sa  1re satire, vers 125-128 :

Avant qu'un tel dessein m'entre dans la pensée,
On pourra voir la Seine à la Saint-Jean glacée,
Arnauld à Charenton devenir Huguenot,
Saint-Sorlin janséniste, et Saint-Pavin bigot.

Toutes choses, selon lui, d'une égale invraisemblance.

Plusieurs pièces de théâtre ont eu pour titre : le Monde renversé.

La plus connue est celle de Le Sage et d'Orneval, qui fut jouée à la foire Saint-Laurent en 1718, puis remaniée par Anseaume pour l'Opéra-Comique (2 avril 1753), et longtemps après, par Rozet, en 1810. La pièce originale, comédie satirique et à tiroirs écrite « sur le plan de M. de La Font », a été imprimée en 1721, dans le tome III du Théâtre de la Foire.

On y voyait Pierrot et Arlequin transportés dans un pays enchanté où les jeunes filles se désolent de ne pouvoir trouver des maris assez pauvres ; où toutes les femmes sont honnêtes et les maris fidèles ; où les philosophes sont follement gais et les procureurs intègres : c'était bien là véritablement un monde renversé !

D'après les frères Parfaict (Histoire de l'ancien théâtre italien, 1753, p. 373), un autre Monde renversé (Il Mondo a la reversa) fut traduit par Dominique sous le titre de : Arlequin gentilhomme par hasard, joué en 1669 et imprimé en 1711.

Enfin, Goldoni fit représenter à Venise en 1750 : Il Mondo alla roversa, ou Sia le donne che comandano (Que ce soient les femmes qui commandent), comédie en trois actes, imprimée dans le tome XLI de son théâtre (Venise, 1788).

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