Pourquoi appelle-t-on teinturier l'auteur réel d'un ouvrage destiné à paraître sous le nom d'un autre ?

Voici l'explication qu'on en a donnée et qui nous parait assez satisfaisante.

Cette expression aurait pour origine une scène de l'Avocat Patelin, une des plus jolies comédies de Brueys et Palaprat, qui n'est d'ailleurs qu'une imitation de l'ancienne farce de Maître Patelin (XV^e siècle).

Au I^er acte, scène V, M. Guillaume, le drapier, étale aux yeux de Patelin une pièce de drap que ce rusé compère a juré de s'approprier :

« — C'est de couleur marron, dit le marchand.
» —De marron, répète Patelin, usant du même artifice que le renard de la fable, que cela est beau ! Je gage, monsieur Guillaume, que vous avez imaginé cette couleur-là.
» — Oui, oui, avec mon teinturier. »

Ce teinturier remplit bien vis-à-vis du drapier le même rôle que l'écrivain mercenaire qui travaille pour la gloire d'autrui.

Remarquons d'ailleurs que le dictionnaire de l'Académie (1835) enregistre cette phrase figurée et proverbiale : « Il a fait cela avec son teinturier, se dit d'un homme qui s'attribue un ouvrage d'esprit qu'il n'a point fait, ou qu'on l'a beaucoup aidé à faire. »

Ne sont-ce pas là exactement les tenues dont se servait M. Guillaume ?

La pièce de Brueys est de 1706 (1^re édition)