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Dictionnaire des curieux (1880) | |
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Palinodie vient de deux mots grecs qui signifient chanter de nouveau, nouveau chant, nouvelle chanson. Nos expressions familières : c'est une autre chanson — chanter sur un autre ton — déchanter, sont des versions de palinodie.
Les Latins disaient palinodiam canere, ou recantatio; et ces formules étaient imitées du grec, puisque chanter la palinodie est une locution grecque, très ancienne.
On lui assigne l'origine suivante.
Le poète Stésichore avait composé un poème sur les aventures de la belle Hélène.
Quelques vers faisaient l'éloge de la beauté de l'épouse de Ménélas ; mais les antres, et c'étaient les plus nombreux, parlaient de sa vertu à peu près dans les mêmes termes que les auteurs de la pièce jouée tant de fois, ces dernières années, au Théâtre des Variétés. Bref, Stésichore disait qu'Hélène était une belle créature, mais que son époux n'aurait pu entrer dans le temple de Minerve, malgré la hauteur des portiques.
Stésichore n'avait pas réfléchi qu'il est toujours imprudent de dire du mal d'une jolie femme. Il n'avait pas pensé non plus que Castor et Pollux, frères d'Hélène, avaient été, depuis quelque temps, promus au rang de divinités, et que des dieux n'aiment pas plus à entendre clabauder sur leur famille qu'un parvenu n'aime à entendre parler de poirier. Castor et Pollux, pour venger la réputation de leur sœur, frappèrent Stésichore de cécité. Cela ne prouve pas qu'ils fussent bien intelligents; car de ce fait que Stésichore devenait aveugle, il ne résultait pas du tout qu'Hélène eût été vertueuse. De plus, Castor et Pollux montraient qu'il n'y a que la vérité qui offense.
Stésichore, devenu aveugle, sans trop savoir pourquoi, car les deux jumeaux ne l'avaient pas prévenu, alla trouver un oracle qui le mit au courant de la situation, et lui indiqua le moyen d'en sortir. Le poète se mit alors à composer un nouveau poème où il déclara, non-seulement qu'Hélène était une admirable femme, mais que Ménélas avait été le plus fortuné des maris, car la vertu de son épouse était comparable aux cuirasses des navires qui, trois mille ans plus tard, devaient faire l'orgueil des chantiers de Brest et de Toulon.
Stésichore recouvra la vue à la minute même où il trouva le dernier pied du dernier vers de son poème.
Il suffit d'ouvrir les journaux et les brochures politiques de nos jours pour s'assurer que le mot palinodie n'a pas de raison de disparaître de nos lexiques.
Evidemment, on peut se tromper, et il est honorable de reconnaître son erreur. Mais trop d'écrivains se trompent volontairement, se disant en eux-mêmes : je me rétracterai, mais il restera toujours quelque chose de ma première assertion.
L'écrivain qui, sciemment, écrit une ligne calomnieuse contre une personne ou une catégorie de personnes, est un lâche. Il est plus méprisable que le voleur qui escalade une fenêtre, car ce dernier sait pertinemment qu'on peut le recevoir à coups de fusil, que, s'il est pris, il n'en sera pas quitte en disant : ma bonne foi a été surprise.
Tout homme qui tient une plume, si petite qu'elle soit, devrait bien se pénétrer de cette pensée, qu'il revêt une partie des fonction du père de famille, de l'instituteur, du prêtre, du magistrat et du soldat, et que la ruine menace toute société où ces fonctions-là ne sont plus prises au sérieux.
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