Pendant assez longtemps, surtout au quinzième et au seizième siècle, il fut d'usage, pour les rois de France, d'attacher à leur suite un
fou, ou plutôt un bouffon, dont les bons mots, les gestes, les plaisanteries, les impertinences même, devaient égayer la cour.
Cet usage venait d'Orient; il se généralisa en Europe après lès croisades.
Gonelle, le fou du marquis de Ferrare, Triboulet, le fou de François Ier, l'Angely, le fou du prince de Coudé, sont presque célèbres pour leurs réparties et leurs farces spirituelles.
Les gravures du temps nous représentent les fous tenant à la main, en guise de sceptre, un bâton enguirlandé, appelé marotte; leur tête est couverte d'un bonnet ou toque d'étoffe bigarrée ; cette toque est surmontée de petites clochettes ou timbres que le moindre mouvement faisait carillonner.
Cette toque et ces timbres ont donne lieu aux expressions populaires toqué, timbré (qui porte une toque et des timbres) par lesquelles on désigne un homme qui divague, ou qui, simplement, fait des plaisanteries absurdes.
Les faits et gestes des fous nous ont encore valu les façons de parler : rire comme des fous, — fou rire, — avoir une tocade.
Tous les fous n'étaient pas vêtus de la manière que nous avons indiquée. Quelques-uns s'habillaient comme les seigneurs; d'autres ne prenaient que par circonstance un costume original. Mais rarement, quel que fût leur costume, ils paraissaient devant la cour sans tenir à la main une sorte de sceptre ou bâton appelé marotte, au sommet de laquelle se trouvait une petite figure bizarrement coiffée et ornée de grelots.
La marotte était le signe distinctif des fous. De là nos locutions : avoir une marotte — chacun a sa marotte. De nos jours, marotte est à peu près synonyme d'idée fixe, de manie.
P. S. — Dans Ivanhoe, Walter Scott complète en ces termes le portrait du fou Wamba :
« ... Il avait sur la tête un bonnet garni de clochettes pareilles à celles qu'on attache au cou des faucons, et on les entendait sonner à chaque mouvement qu'il faisait, c'est-à-dire presque continuellement, attendu qu'il changeait de posture à chaque minute. Ce bonnet, bordé d'un bandeau de cuir découpé en forme de couronne, se terminait en pointe, et retombait presque sur l'épaule, comme un de nos anciens bonnets de nuit ou comme le bonnet de police d'un hussard de nos jours: c'était à cette partie de l'ajustement de la tête que les clochettes étaient attachées. Cette particularité, la forme du bonnet et l'expression moitié folle et moitié malicieuse de la physionomie de Wamba, indiquait suffisamment qu'il appartenait à cette race de clowns ou bouffons domestiques que les grands entretenaient pour charmer les Heures qu'ils étaient obligés de passer dans leurs châteaux... Le couteau était remplacé par un sabre de bois, semblable à la batte dont Arlequin se sert sur nos théâtres modernes...»
Plus on est de fous plus on rit tient encore au même ordre de faits. Lorsque les seigneurs se réunissaient pour des parties de plaisir, même pour la discussions d'affaires politiques, ils se faisaient toujours suivre de leurs fous. Plus d'une fois un fou assista à de graves délibérations et y mit son mot, — qui n'était pas toujours le moins sensé; car ces personnages n'avaient souvent de fou que le nom, et plus d'un, en vertu des immunités attachées à son titre, savait dire en riant de terribles vérités à son maître.