Théophile Viaud, poète français, contemporain et rival de Malherbe, est l'auteur d'une tragédie, Pyrame et Thisbé, où abondent les vers ampoulés, les expressions ridicules. Dans une scène, Pyrame s'approche de la muraille qui le sépare de Thisbé et s'aperçoit que cette muraille est lézardée; il s'écrie :
Voyez comme ce marbre est fendu de pitié,
Et qu'à notre douleur le sein de ces murailles
Pour receler nos feux s'entr'ouvre les entrailles!
Plus loin, croyant qu'un lion a dévoré Thisbé, il adresse à l'animal cette apostrophe :
Toi, son vivant cercueil, reviens me dévorer.
Cruel lion, reviens: je te veux adorer.
S'il faut que ma déesse en ton sang se confonde.
Je te tiens pour l'autel le plus sacré du monde.
Dans une autre scène, Thisbé ramasse le poignard avec lequel Pyrame s'est donné la mort et s'écrie :
Ah! voici le poignard qui du gang de son maître
S'est souillé lâchement. Il en rougit le traître!
Boileau, qui s'est chargé de transmettre ces deux derniers vers à la postérité, a rudement flagellé leur auteur :
Tous les jours à la cour un sot de qualité
Peut juger de travers avec impunité,
A Malherbe, à Racan, préférer Théophile...
La Bruyère s'est montré moins sévère pour Théophile Viaud et ne l'a pas jugé indigne d'un parallèle avec Malherbe, auquel cependant il adjuge la palme. La vérité est que certaines poésies de Théophile ne manquent ni d'élégance, ni de vérité, ni d'inspiration. Persécuté, enfermé dans un cachot, il adressa aux poètes de son temps une prière et au roi une apologie que les meilleurs écrivains de son temps n'auraient pas dédaigné de signer.
Dans la conversation, on cite assez souvent le fameux hémistiche : il en rougit, le traître ! Il se prête à de nombreuses variantes et ne s'emploie qu'en plaisantant.