La Nuit, déesse des ténèbres, fille du Chaos, est de fait la plus ancienne des divinités. Certains poètes en font la fille du Ciel et de la Terre ; Hésiode la met au nombre des Titans, et la nomme la mère des dieux, parce qu'on a toujours cru que la nuit et les ténèbres avaient précédé toutes choses. Elle épousa l'Érèbe, son frère, dont elle eut l'Éther et le Jour. Mais elle avait engendré seule, sans le commerce d'aucune divinité, l'inéluctable et inflexible Destin, la Parque noire, la Mort, le Sommeil, la troupe des Songes, Momus, la Misère, les Hespérides, gardiennes des pommes d'or, les impitoyables Parques, la terrible Némésis, la Fraude, la Concupiscence, la triste Vieillesse et la Discorde opiniâtre ; en un mot, tout ce qu'il y a de fâcheux dans la vie passait pour une production de la Nuit. Elle est parfois appelée en grec
Euphroné et
Eubulie, c'est-à-dire Mère du bon conseil. Les uns plaçaient son empire au nord du Pont-Euxin, dans le pays des Cimmériens ; mais généralement il est placé vers la partie de l'Espagne nommée
Hespérie, c'est-à-dire contrée du Soir, près des colonnes d'Hercule, limites du monde connu des anciens.
La plupart des peuples de l'Italie regardaient la Nuit comme une déesse; mais les habitants de Brescia en avaient fait un dieu, nommé Noctulius ou Nocturnus. La chouette, qu'on voit aux pieds de ce dieu tenant un flambeau renversé qu'il s'efforce d'éteindre, annonce celui qui est l'ennemi du jour.
Dans les monuments antiques, on voit la déesse la Nuit tantôt tenant au-dessus de sa tête une draperie volante parsemée d'étoiles, ou avec une draperie bleue et un flambeau renversé ; tantôt figurée par une femme nue avec de longues ailes de chauve-souris et un flambeau à la main. On la représente aussi couronnée de pavots et enveloppée d'un grand manteau noir étoile. Elle est parfois montée sur un char tiré par deux chevaux noirs ou par deux hiboux, et elle tient sur sa tête un grand voile parsemé d'étoiles. Souvent on la place dans le Tartare, entre le Sommeil et la Mort, ses deux enfants. Quelquefois elle est précédée d'un enfant portant un flambeau, image du crépuscule. Les Romains ne lui donnaient pas de char, et la représentaient oisive et endormie.
Notre gravure, d'après Thorwaldsen, représente la Nuit endormie, s'envolant dans l'espace avec l'Éther et le Jour.