L'hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu.L'une des plus célèbres pensées de La Rochefoucauld. On la trouve classée sous le n° CCXVIII dans la cinquième édition des Maximes et réflexions morales (1678), reproduite dans les Grands écrivains de la France, et sous le n° 223 dans un certain nombre d'éditions.
Rousseau, dans sa Réponse au roi de Pologne (1751 ou 1752), protestait énergiquement contre la vérité de cette maxime.
« C'est une chose très commode pour les vicieux, disait-il, que toutes les maximes qu'on nous débite depuis longtemps sur le scandale. Si on les vouloit suivre à la rigueur, il faudroit se laisser piller, trahir, tuer impunément, et ne jamais punir personne : car c'est un objet très scandaleux qu'un scélérat sur la roue. Mais l'hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu. Oui, comme les assassins de César, qui se prosternoient à ses pieds pour l'égorger plus sûrement. Cette pensée a beau être brillante, elle a beau être autorisée du nom célèbre de son auteur, elle n'en est pas plus juste. Dira-t-on jamais d'un filou qui prend la livrée d'une maison pour faire son coup commodément, qu'il rend hommage au maître de la maison qu'il vole ? »
On pourrait, répondre à Rousseau que celui qui veut gagner l'estime des autres en prenant le masque de la vertu, n'a pas nécessairement l'intention de faire un mauvais coup. Mais il y aurait à discuter à porte de vue sur un sujet aussi délicat.
Nous ne pensons pas que cette maxime ait été « dansée », selon la plaisante conception de Chamfort, se moquant du chorégraphe Noverre, mais elle a eu l'honneur d'être mise en vers par l'abbé Aubert, dans sa fable le Chat :
L'hypocrisie est un hommage
Que rend le vice à la vertu.
(Fables nouvelles, édit. de 1774, livre VI, fable x.)
On lit dans la Correspondance littéraire de Grimm, en février 1786, ce mot d'un éloquent prédicateur de ce temps :
« La vertu dans ce siècle est si décriée qu'il n'y a plus d'hypocrisie. »
Voilà une parole qui devait bien quelque chose à La Rochefoucauld !