Ce fut le serpent qui creva. Voltaire s'inspirait encore plus directement, dans le quatrain que nous avons cité, d'un distique grec du poète Lucillius (Ier siècle de J.-C.), reproduit dans l'Epigrammatum anthologia palatina de F. Didot (t. II, 1872, p. 325 ; chap. XI, n° 237), etqué l'on peut traduire ainsi :
« Une méchante vipère mordit un jour un Cappadocien : mais ce fut elle qui mourut, après avoir goûté ce sang venimeux. »
C'était une allusion à la réputation de méchanceté que s'étaient acquise les Cappadociens, comme le dit Constantin Porphyrogénète (IXe siècle), dans son traité De Thematibus (liv. Ier ; édit. Niebuhr, t. III, p. 21, 10), où le distique grée se trouve cité.
L'Epigrammatum delectus, publié en 1659 (par Lancelot, d'après Barbier), en a donné cette traduction en vers latins (p. 331) :
Vipera Cappadoeem male sana momordit : at ipsa
Gustato periit sanguine Cappadocis.
En 1720, Bruzen de La Martinière en fit cette imitation, que Voltaire a évidemment prise pour modèle :
Un gros serpent mordit Aurele,
Que croyez-vous qu'il arriva ?
Qu'Aurele en mourut : Bagatelle,
Ce fut le serpent qui creva.
(Nouveau recueil des Épigrammatistes; t. II, p. 63.)
Enfin Goldsmith, après Voltaire, a imité la même épigramme dans une chanson qui fait partie du chap. XVII du Ministre de Vakefield (1766).
Le grand serpent de mer.
D'après un fort intéressant article du savant M. Labbé, dans le Tour du monde du 12 juin 1897, qui analyse et résume l'ouvrage de M. Oudemans, le « serpent de mer », dont l'existence ne saurait être mise en doute, ne serait qu'un phoque de très grande taille et d'espèce encore inconnue, au cou allongé, à la tête petite, à la queue effilée, armé de quatre membres en forme de rames, de mœurs paisibles et craintives. Le nom qui parait devoir lui rester est celui de Megophias megophias, que lui adonné M. Oudemans.
(A travers le monde, p. 185).