La force prime le droit.Nous avons dit que l'idée contenue dans cette formule, attribuée à tort à M. de Bismarck, avait été bien souvent exprimée. Nous citerons encore cet exemple:
En 1854, M. Emile de Girardin, à la suite d'une polémique sur le Droit, en arrivait à cette conclusion :
« La certitude que j'ai acquise, c'est qu'il n'y a qu'un seul droit au monde : C'EST LE DROIT DU PLUS FORT...»
Après avoir cité l'opinion de quelques philosophes, et cette parole de M. Guizot :
« Les droits ne sont rien où n'est plus la force de les faire valoir, »
il ajoutait :
« Ainsi, plus de doute, plus de vague, plus d'équivoque : LA FORCE, C'EST LE DROIT ; IL n'y A. PAS d'AUTRE DROIT QUE LA FORCE. »
(Le Droit, p. 294 et 296.)
Ce n'était pas, bien entendu, un principe qu'il défendait, mais un fait brutal qu'il constatait.
« Nous avons tous assez de force pour supporter les maux d'autrui. »
La Rochefoucauld. Réflexions ou Sentences et maximes morales, n° 19.
L'éditeur des Grands écrivains de la France rapproche de cette pensée le proverbe : « Mal d'autrui n'est que songe », et cette ironie de Swift : « Je n'ai jamais connu personne qui ne fût capable de supporter le malheur des autres en parfait chrétien. »
La Rochefoucauld poussait encore plus loin le scepticisme dans cette triste réflexion (n° 583) :
« Dans l'adversité de nos meilleurs amis, nous trouvons toujours quelque chose qui ne nous déplaît pas. »
Le célèbre penseur fit d'ailleurs justice de cette maxime en la supprimant dans ses dernières éditions.