La « lutte pour la vie ». Expression le plus souvent employée sous sa forme anglaise : struggle for life.
Elle doit sa célébrité au fameux ouvrage de Ch. Darwin (1809-1882) : L'Origine des espèces au moyen de la sélection naturelle, ou la Lutte pour l'existence dans la nature. La première édition anglaise de ce livre paru le 24 novembre 1859, et M. Éd. Barbier en a donné, en 1882, une traduction française, à laquelle se rapportent nos indications.
Au chapitre III, qui a pour titre : La lutte pour l'existence, l'auteur énonce ce principe que, dans les êtres organisés, « une variation, si insignifiante qu'elle soit, se perpétue, si elle est utile ». C'est ce principe qu'il a nommé la sélection naturelle, par opposition à la sélection artificielle, ou, en reprenant une expression plus exacte d'Herbert Spencer, « la persistance du plus apte ». Il désigne à la fois par ces mots, comme il le dit plus loin (chap. IV, p. 86), la « conservation des différences et des variations favorables », et l' « élimination des variations nuisibles ».
Il insiste sur le sens figuré qu'il entend donner à l'expression « lutte pour l'existence ». Il ne s'agit pas seulement ici de la guerre proprement dite que les animaux se font entre eux, mais des difficultés de toutes sortes qu'ils ont à vaincre pour vivre et se perpétuer.
On conçoit que, dans ce combat incessant, ce sont les individus les plus robustes et les mieux armés pour la lutte qui ont le plus de chances de résister et de transmettre leurs qualités à leurs descendants.
Darwin rappelle qu'avant lui, Candolle l'aîné et Lyell ont déjà porté leur attention sur la terrible concurrence que tous les êtres organisés ont à soutenir, et que W. Herbert a particulièrement étudiée en ce qui concerne les plantes.
On trouvera d'ailleurs résumées, dans une Notice historique qu'il a placée en tête de son édition définitive, les opinions de ses devanciers sur ces intéressantes questions.
Dès 1837, comme il nous l'apprend dans son autobiographie, Darwin s'occupa de rassembler tous les faits relatifs aux variations des animaux et des végétaux. L'Essai de Malthus sur le principe de la population, qu'il lut en 1838, lui fournit de précieux aperçus sur la lutte pour l'existence.
C'est en 1856 qu'il écrivit en partie son ouvrage, « la principale œuvre de ma vie », dit-il. Deux ans après, il recevait de M. Wallace un travail où se trouvaient développées les mêmes théories. Ces deux mémoires, qui furent publiés presque en même temps, n'obtinrent alors que fort peu d'attention dans le monde savant.
(La Vie et la Correspondance de Charles Darwin, publiées par son fils; Londres, 1887. — Trad. H. C. de Varigny, t. I, p. 85 et suiv.)
On ne s'est pas contenté, en France, d'emprunter aux Anglais l'expression struggle for life. Il s'est trouvé des écrivains, et non des moindres, pour risquer ce barbarisme sans nom : struggle for lifers, substantif monstre signifiant : ceux qui luttent pour la vie. Qu'on n'exige pas de nous les noms des coupables.