Terrasser l'hydre de l'anarchie.Nous avons rappelé l'expression « terrasser l'hydre de l'aristocratie », employée par le Moniteur au lendemain de la prise de la Bastille.
Cette métaphore devait bientôt s'offrir aux regard» du peuple de Paris sous la forme d'un groupe allégorique.
Un monument commémoratif fut élevé en face des Invalides pour célébrer la victoire remportée sur l'aristocratie. C'était, dit M. Mignet, « une montagne surmontée d'une statue colossale représentant Hercule écrasant une hydre ». (Révolution française, t. II, p. 129.)
Voici la description plus détaillée qu'en donne le graveur Jean-Georges Wille dans son Journal, à la date du 10 août 1793 :
« C'est là (sur la place des Invalides) que nous vîmes la statue colossale d'Hercule, haute de vingt-quatre pieds, debout sur un rocher plus haut encore. Cet Hercule avoit le pied gauche posé sur la gorge de la contre-révolution, figurée moitié femme et moitié serpent, cherchant à s'accrocher aux faisceaux des département sur lesquels Hercule étoit appuyé du bras gauche, tandis qu'il paroissoit frapper d'une massue, qu'il tenoit à la main droite, le monstre qui étoit à ses pieds. »
(Mémoires et Journal de J.-G. Wille, 1857, t. II, p. 387.)
Il faut croire que la vue de cet Hercule avait fini par agacer les Parisiens, car le 2 ventôse an III (20 février 1795), la section de la Halle-au-Blé se présenta à la barre de la Convention pour réclamer la démolition de ce monument. « Que cette montagne, disait l'orateur, élevée en face des Invalides, qui a enfanté tant de Montagnes ; que ces joncs qui déshonorent sa base, que les reptiles qu'on y voit, et qui rappellent d'odieuses dénonciations, que cette figure que le géant écrase, figure allégorique et chimérique comme le fantôme dont elle est l'emblème, disparaissent et ne rappellent plus de douloureux souvenirs. »
« Le monument dont on vous a parlé, dit à son tour le député Pénières, n'a été élevé que pour avilir la Convention nationale. Il porte un géant, ce géant est Robespierre. On l'a armé d'une massue ; on s'est trompé, c'est une guillotine qu'il fallait lui faire tenir. Il faut que ce monument soit détruit. »
En réponse à quelques opposants, le député Mathieu ajouta :
« On a dit qu'il ne fallait pas le détruire parce qu'il était le symbole du Peuple; oui, j'y reconnaîtrais le symbole du Peuple, si je n'y voyais une Montagne. Qu'est-ce qu'une Montagne, si ce n'est une protestation éternelle contre l'égalité. »
Cet argument sans réplique triompha des dernières résistances, et le malheureux Hercule fut sacrifié.