Ne touchez pas à la reine ! Allusion à une ancienne règle de l'étiquette, qui, parait-il, fut longtemps en vigueur à la cour d'Espagne, et existait encore au temps de Philippe V (1683-1746).
Ce n'est pourtant pas, comme on pourrait le croire, la traduction d'un proverbe espagnol, mais un dicton exclusivement français qui a pour origine l'anecdote suivante rapportée par la comtesse d'Aulnoy.
Cela se passait dans la cour du château de Madrid, quelque temps après le mariage du roi Charles II avec Marie-Louise d'Orléans, nièce de Louis XIV (1679). Cette princesse, ayant eu la fantaisie de monter un cheval d'Andalousie un peu fringant, tomba si malheureusement que, son pied restant engagé dans l'étrier, elle fut traînée par sa monture, et cela sous les yeux du roi qui, d'un balcon où il était placé, ne pouvait venir à son secours.
« La cour, dit Mme d'Aulnoy, étoit toute remplie de personnes de qualité et de gardes : mais l'on n'osoit se hasarder d'aller secourir la reine, parce qu'il n'est point permis à un homme de la toucher, et principalement au pied... »
Deux cavaliers espagnols, sans calculer les graves conséquences de leur témérité, s'élancèrent vers la reine, et furent assez heureux pour la dégager et lui sauver la vie. Après quoi ils se hâtèrent de prendre la fuite pour échapper à la colère du roi. Mais Charles II fut si heureux de voir la reine saine et sauve, que celle-ci n'eut pas de peine à obtenir leur grâce. Elle leur fit même un présent et, depuis lors, leur témoigna une considération particulière.
(Mémoires de la cour d'Espagne, de 1679 à 1681 ; Paris, 1690, 2e partie, p. 38 et suiv.)
Cette aventure a fourni la donnée d'un roman de Michel Masson, publié en 1837, et d'un opéra-comique de Scribe et Gustave Vaëz (musique de Xavier Boisselot), représenté le 16 janvier 1847. Ces deux ouvrages qui portent pour titre : Ne touches pas à la reine ! ont pu suffire à faire de cette formule une sorte de proverbe.