Cédez-moi vos vingt ans si vous n'en faites rien.
Charles Joseph Lacretelle, dit Lacretelle jeune (1776-1855), lorsque l'âge l'eut obligé à renoncer à l'enseignement public, adressa à la jeunesse l'exposé des convictions de sa vie dans un livre qu'il intitula :
Testament philosophique (Paris, 1840).
Parmi les dix pièces de vers qui terminent l'ouvrage, figure son Discours en vers sur les faux chagrins, daté de 1835, où il s'élève avec éloquence contre « la mode d'être triste » et même un peu poitrinaire, qui sévissait alors chez certains jeunes gens, et se faisait remarquer surtout dans les soirées mondaines :
Où fuir de vos accords les ennuis solennels,
Fanfarons de chagrins et pleureurs éternels ?
Quel vent vous a soufflé dans des lieux pleins de charmes
Un nuage de spleen chargé de grosses larmes...
Un bal brillant s'annonce... ah ! mon ennui redouble
Quand de pénitents noirs une procession
Marche la contredanse avec componction...
Sur mes cheveux blanchis l'illusion voltige.
Et je dis aux danseurs d'un si grave maintien :
Cédez-moi vos vingt ans si vous n'en faites rien.
(Tome II, p. 349, v. 46.)
Louis Véron, dans les Mémoires d'un bourgeois de Paris (1853, t. I, p. 204), a rappelé cette spirituelle riposte d'Ancelot à Lacretelle :
Mais, quand vous les aviez, vous en serviez-vous bien?